Les difficultés de l’activité viticole depuis le début d’année 2020

Après une année 2019 qui a vu la production française de vin diminuer de 4% par rapport à la moyenne des cinq dernières années (43,4 millions d’hectolitres), le début de l’année 2020 est déjà difficile pour la filière viticole. L’impact des taxes Trump, le chamboulement de l’activité par le coronavirus et les dégâts que pourraient causer le gel printanier sont autant de difficultés rencontrées par les viticulteurs français.

Vigne

Les taxes Trump : Un lourd impact économique sur la filière viticole

Si la production a diminué en 2019, les exportations de vin français ont atteint des records. Le pays a exporté pour 14 milliards d’euros de vin soit une hausse de 5,9% selon la Federation des Exportateurs (FEVS). Ce bon résultat est trompeur aux vues de la chute spectaculaire (-30%) des exportations aux États-Unis sur le dernier trimestre de 2019.

La cause de cette chute, ce sont les taxes Trump. Ces taxes ont pour origine le contentieux aéronautique américano-européen, une bataille juridique entre Airbus et Boeing devant l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) qui remonte à 2004. Washington accusait alors le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne et l’Espagne d’accorder des subventions illégales pour soutenir la production d’Airbus. Un an plus tard, l’Union Européenne accusait à son tour Boeing d’avoir obtenu 19 milliards de dollars de subventions illégales entre 1989 et 2006 de la part du gouvernement américain. Depuis, une bataille juridique sans fin est engagée.

Toujours est-il qu’en représailles au traitement préférentiel que l’Union Européenne aurait accordé à Airbus, l’administration Trump applique depuis le 18 octobre dernier des droits de douane à hauteur de 25% sur les vins européens de moins de 14 degrés. En France, les vins concernés sont ceux de Loire et de Bourgogne, mais pas les vins du sud qui ont une teneur naturelle en alcool plus élevée en raison de l’ensoleillement.

Ces taxes ont déjà un lourd impact économique sur la filière viticole française. Selon Jean-Marie Barillère, président du Comité National des Interprofessions du Vin (CNIV), 100 000 personnes sur les 500 000 que la filière viticole française fait vivre de manière directe ou indirecte pourraient voir leur emploi menacé. La baisse des exportations de vin aux États-Unis représentent des pertes estimées à 300 à 400 millions d’euros par an. Les viticulteurs ont ainsi interpellé Emmanuel Macron lors de sa visite au salon de l’agriculture. Celui-ci a promis de porter la demande d’un fond de compensation auprès de l’Union Européenne, pour une mise en place dès ce printemps.

Donald Trump

Les menaces d’une deuxième salve de taxes

Mais ce qui inquiète le plus les viticulteurs, ce sont les menaces d’une deuxième salve de taxes qui constitue une véritable « épée de Damoclès » sur la filière viticole française. En effet, le 11 juillet 2019, le gouvernement français a instauré une taxe sur les prestations de services numériques qui vise principalement les grandes entreprises américaines appelées GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple). Les géants du numérique sont deux fois moins imposés que les entreprises traditionnelles en Europe. La France a donc décidé de taxer ces entreprises à hauteur de 3% de leur chiffre d’affaire.

Cependant, Donald Trump juge ces mesures inéquitables pour l’économie européenne. Il menace en représailles de taxer à hauteur de 100% plusieurs produits français dont le vin. Depuis, la taxe GAFA a été suspendue en France. Mais des négociations seront menées en fin d’année au niveau mondial via l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE).

Avec l’instauration de certaines taxes commerciales et la menace de l’application de taxes encore plus sévères de la part des États-Unis, les viticulteurs français ont donc le sentiment de payer l’addition de conflits commerciaux qui ne les regardent pas.

Le coronavirus : le chamboulement de l’activité viticole

La crise sanitaire qui touche actuellement le monde entier concerne évidemment aussi les viticulteurs. Les règles de confinement appliquées en France depuis le 17 mars dernier ont chamboulé la production. La mise en place des gestes barrières a forcé à réorganiser les espaces de travail. Dans les maisons de champagne, certaines activités comme l’étiquetage, le dégorgement ou le conditionnement des bouteilles ont été stoppées.

Quant aux travaux des vignes, ils ont été jugés essentiels et ne seront pas reportés puisque la nature, elle, n’attend pas et que la vigne nécessite des soins. Certaines mesures ont été mises en place pour respecter les gestes barrières et la distanciation sociale : les ouvriers sont placés tous les quatre ou cinq rangs de vigne au lieu d’un par rang, le co-voiturage pour se rendre sur place a été interdit tout comme les rassemblements en bout de vigne.

En ce qui concerne la construction de matériel viticole, la production est arrêtée. La distribution continue cependant. En Champagne, Acolyance Vigne ouvre toujours ses magasins et travaille avec Viticulteurs.market pour permettre à ses clients de commander en ligne. Les clients peuvent ensuite venir récupérer leur commande en magasin, dans le plus strict respect des conditions d’hygiène. Acolyance Vigne propose également la livraison pour les viticulteurs qui le souhaitent. Des solutions existent donc pour maintenir la continuité des approvisionnement en cette période de confinement.

L’inquiétude est tout de même de mise dans la profession car plusieurs questions restent en suspens. La consommation va t-elle reprendre normalement à la reprise des activités ? Les ventes perdues pourront-elles être rattrapées ?

Expolitation viticole

Le danger du gel printanier

Enfin, le gel printanier pourrait constituer un problème pour les vignes et occasionner quelques dégâts. Les températures particulièrement douces de cet hiver ont permis à la vigne de végéter très en avance. Maintenant que les premiers bourgeons sont sortis, la plante est particulièrement exposée au gel. La vague de froid n’est pas extraordinaire (entre 0 et -5 degrés la nuit et de la neige par endroit) mais elle intervient après l’hiver le plus chaud depuis 120 ans.

Afin de réduire le risque de gelées, il existe plusieurs techniques utilisées par les viticulteurs : aspersion d’eau, chauffage de l’air avec des braseros, brassage de l’air par hélicoptère, etc…

Il n’y a cependant pas de grosse inquiétude à ce niveau car le confinement va engendrer une baisse du rendement autorisé. Les dégâts que pourraient occasionner le gel printanier ne sont donc pas au centre des préoccupations, contrairement au chamboulement de l’activité par le coronavirus, mais cela peut compliquer le travail des viticulteurs par la suite.

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